26856 - Remarques sur le Discours du Roi du Maroc en juillet 2016

Ν. Λυγερός

La teneur du Discours du Roi du Maroc est claire. Elle s’articule sur deux points essentiels et nous conforte dans l’idée que le Maroc d’une part cesse la politique de la chaise vide qui ne s’est pas avérée fructueuse au cours de ces décennies et d’autre part agit de manière dynamique pour corriger une erreur fallacieuse du passé. Certains extraits de ce discours illuminent le champ d’action à venir.

Le Maroc, qui a quitté l’OUA n’a jamais quitté l’Afrique. Il a seulement quitté une institution, en 1984, dans des circonstances toutes particulières. Il est, en effet, difficile d’admettre que le Royaume, Nation pérenne et ancestrale, soit comparé à une entité ne disposant d’aucun attribut de souveraineté, démunie de toute représentativité ou effectivité. Ce fait accompli immoral, ce coup d’état contre la légalité internationale, ont amené le Royaume du Maroc à éviter la division de l’Afrique au prix d’une douloureuse décision, celle de quitter sa famille institutionnelle. L’histoire retiendra cet épisode comme une tromperie, un détournement de procédures, au service d’on ne sait quels intérêts.

Cette description sommaire des faits ne manque pas de jugement et même si elle représente le point de vue marocain, ce  dernier se veut simple et clair quant à l’impossibilité de comparer des incomparables. Il est visible dans cette approche légaliste qu’il est difficile de faire des exceptions lorsque nous parlons de la nature étatique et ce, à l’échelle mondiale.

Le temps est venu d’écarter les manipulations, le financement des séparatismes, de cesser d’entretenir, en Afrique, des conflits d’un autre âge, pour ne privilégier qu’un choix, celui du développement humain et durable, de la lutte contre la pauvreté et la malnutrition, de la promotion de la santé de nos peuples, de l’éducation de nos enfants, et de l’élévation du niveau de vie de tous. Cet impératif éthique rejette et condamne les errements du passé et les actes à contre courant du sens de l’histoire.

La recherche de l’unité africaine doit être un nouveau mot d’ordre pour l’ensemble des pays africains et doit transcender les différences locales pour surmonter des problèmes globaux. Cette vision éthique de l’Afrique n’est pas seulement un prétexte ou un stratagème de la part du Maroc mais une véritable nécessité pour l’avenir de l’Afrique aussi le message délivré montre une volonté extravertie qui recherche un équilibre international et intra africain.

Le défi qui demeure à relever, pour notre continent, plus d’une décennie après la naissance de l’Union Africaine, est celui de l’unité et de la cohésion de notre grande famille. Pour le réaliser, il nous faudra emprunter la voie de la lucidité et du courage, celle que nos aînés, les premiers panafricains avaient privilégiée. L’Afrique, si longtemps négligée, est devenue incontournable. L’ère où elle n’était qu’un objet dans les relations internationales est révolue. Elle s’affirme, progresse et s’assume sur la scène internationale. C’est pourquoi, sur la question du Sahara, l’Afrique institutionnelle ne peut supporter plus longtemps les fardeaux d’une erreur historique et d’un legs encombrant.

Il s’agit de l’expression d’un changement de phase qui prépare une nouvelle période pour le Maroc mais aussi pour l’Union africaine qui ne peut rester sur une forme de malentendu diplomatique puisque ce dernier est dépourvu de sens désormais. Cette nécessité, c’est l’opportunité de créer une nouvel avenir.

L’Union africaine, n’est-elle pas en contradiction évidente avec la légalité internationale ? Puisque ce prétendu Etat n’est membre ni de l’Organisation des Nations Unies, ni de l’Organisation de la Coopération Islamique, ni de la Ligue des Etats arabes, ni d’aucune autre institution sous régionale, régionale ou internationale ? Mais ce qui M’intéresse plus particulièrement, c’est la position de notre Continent. L’UA, resterait-elle, en déphasage avec la position nationale de ses propres Etats membres, puisqu’au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité ?

Ici, nous voyons la description des conséquences d’une reconnaissance fallacieuse, sur la structure elle-même de l’Union africaine. Car il ne s’agit plus de dire qu’il n’existe pas de représentativité d’un état fantoche mais que cette absence constitue un point négatif quant au sérieux international de l’Union africaine. L’erreur du passé a un coût dans le présent et si elle n’est pas corrigée, ce coût ne pourra qu’augmenter dans le futur car il représente une queue du problème initial.

L’Union africaine se trouve aussi en total décalage avec l’évolution de la question du Sahara, au niveau des Nations Unies. Un processus est en cours, sous la supervision du Conseil de Sécurité, pour parvenir à une solution politique définitive de ce différend régional. L’UA ne peut donc, seule, préjuger de l’issue de ce processus. Par sa neutralité retrouvée, elle pourrait, par contre, contribuer d’une manière constructive à l’émergence de cette solution. Cela fait longtemps que nos amis nous demandent de revenir parmi eux, pour que le Maroc retrouve sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle. Ce moment est donc arrivé. Après réflexion, il nous est apparu évident que quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur. Cette décision de retour, réfléchie et longuement mûrie, émane de toutes les forces vives du Royaume. Par cet acte historique et responsable, le Maroc compte œuvrer, au sein de l’UA, en vue de transcender les divisions. Le Maroc se situe, aujourd’hui, dans la perspective résolue et sans équivoque, de regagner sa famille institutionnelle et de continuer avec plus d’ardeur et de conviction, à assumer les responsabilités qui sont les siennes. Il est confiant dans la sagesse de l’UA, pour rétablir la légalité et corriger les erreurs de parcours.

L’argumentation du Maroc met en évidence la possibilité de convergence des points de vue de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union africaine, grâce à une neutralité qui proviendrait du retour du Maroc dans l’Union africaine parallèlement à une suspension de l’état fantoche. Ainsi le Maroc joue un rôle dynamique dans un processus catalytique qui offre de nouvelles perspectives dans un cadre qui n’est pas celui de la décolonisation mais celui de la libération d’un peuple.