222 - Les Toques Noires (acte I et II)

N. Lygeros

ACTE I

La lueur d’une lampe à pétrole éclaire les visages d’Aris et de Vassilis. Ils demeurent silencieux. Comme si la lumière était déjà un langage en soi. Aris a un couteau à la main et Vassilis, son baglama. L’arme et l’instrument semblent vouloir parler mais les chacals les ont domptés et ils attendent l’instant. Le temps s’est immobilisé sur eux. Sur la table ronde, la bouteille de tsipouro est intacte et le komboloï libre de tout mouvement : l’heure n’est plus à la tradition. Alors que Vassilis se lève, nerveux, Aris demeure assis, impassible.

Vassilis

Ari ! Silence. Il marche de long en large dans la pièce. Ari ! Même jeu. Cela fait des heures que tu restes silencieux. Parle-moi, je t’en prie.

Aris

J’ai toujours préféré le silence à la parole…

Vassilis

Je le sais mais cette fois c’est différent.

Aris

Rien n’est différent !

Vassilis

Mais ils sont morts, Ari, ils sont morts ! Un temps. Tout est différent ! Un temps. Leur destin était écrit…

Aris, en frappant du poing sur la table.

Non, c’était sa volonté ! Un temps. Jamais la mort ne se serait approchée de lui s’il ne l’avait pas voulu… Mon grand-père avait agi de même. Si l’on ne peut plus vivre fièrement, il faut mourir fièrement !

Vassilis

Ari, ne vois-tu pas que nous sommes seuls à présent ?

Aris

Seuls, c’est vrai, mais libres ! Et débarrassés de tous ces sbires qui ont péri dans l’explosion.

Vassilis

Si tu ne m’avais pas protégé de ton corps, j’aurais péri moi aussi.

Aris

Seulement ce n’était pas ton heure ! Un temps. Notre lutte n’est pas finie : tel est l’esprit d’Alékos !

Vassilis

A quoi puis-je servir ? Un temps. Je ne suis qu’un musicien !

Aris

Désormais, tu es la mémoire du futur ! Silence. Mon couteau luttera contre eux et ton baglama luttera contre l’oubli !

Vassilis

Tes coups seront mes notes !

Aris

Et ta musique, notre mémoire !

Un temps.

Apparition d’Aggélos, Michalis et Thanassis au seuil de la porte. Ils semblent tous les trois abattus presque coupables de faire encore partie du monde des vivants. Sur leur visage on lit ce sentiment ou plutôt celui de l’impuissance face au destin. Mais Aris est là !

Aggélos

Ari, à présent qu’Alékos, Roza et Markos sont morts, tout me semble inutile et je ne vois dans la vie qu’une immense mer d’amertume et de chagrin.

Aris

C’est injuste, Aggélé, et tu le sais bien…

Aggélos, quelque peu surpris.

Moi, injuste ?

Aris

Mise à l’épreuve comme nous l’avons été, la justice elle-même le serait !

Thanassis

Et qu’en est-il pour toi, Ari ?

Aris

Sur une terre privée de ses droits, c’est à nous d’imposer notre justice !

Michalis

En prenant les armes !

Aris, sur un ton grave.

Oui, Michali, nos armes seront notre droit de vivre. Puis en regardant Vassilis qui se tait. Et notre musique, la chanson de notre âme.

Thanassis

Ari, ton plan est-il établi ?

Aggélos

Mais de quel plan parlez-vous ? Nous n’avons pas encore pleuré nos morts que vous parlez déjà de plans d’attaque et de mouvements de résistance…

Aris

Aggélé, n’oublie pas que notre existence est déjà une résistance !

Thanassis

Les morts sont morts !

Aggélos

C’étaient nos amis…

Aris

Non ! Ce sont nos amis et ils le resteront toujours. Un temps. Cependant ce sont les vivants que nous devons sauver. C’est seulement de cette manière que nous vengerons nos morts et que nous rendrons hommage à nos amis.

Aggélos

Maintenant, Ari, je vois mieux ton point de vue.

Aris

Parfait ! Seulement il ne s’agit plus de voir mais d’agir !

Aggélos

Je lutterai à tes côtés.

Thanassis

Alors ce plan ?

Aris

Nous allons tout d’abord nous emparer d’une presse et des caractères d’imprimerie… Ensuite…

Michalis, en le coupant.

Quelle drôle d’idée !

Aris

Aux portes d’Athènes, un de mes amis, Léonidas, dispose d’une cave à Kaissariani. Si nous lui procurons le matériel, il pourra la transformer en une petite imprimerie clandestine… Un temps. La résistance a besoin d’un journal !

Thanassis

Il est vrai que ces chiens disposent de tous les moyens de communication et qu’ils s’en servent comme outil de propagande.

Vassilis

Notre peuple a besoin d’une voix !

Michalis

Et où allons-nous voler ce matériel ?

Aris

Au coeur du pouvoir !

Aggélos, souriant enfin.

Je reconnais bien là l’esprit d’Alékos…

Aris

Qui est prêt à me suivre ?

Tous

Nous !

Obscurité sans noir. Ils se rapprochent les uns des autres et chacun prend deux autres par les épaules pour former un cercle bien serré avant d’entamer une danse guerrière sur un chant klephte d’antan. Malgré le couvre-feu imposé, la nuit sera longue pour les chacals… On entend l’ode les Quarante Braves chantée par Irène Pappas, au fur et à mesure que les hommes entrent dans la nuit en dansant.

C’est grâce à l’exploit d’Aris et de ses compagnons que naquit ce nouvel arbre de la liberté aux feuilles rouges : le journal Rizospastis. Mais pour les chacals ce fut le commencement d’une longue lutte indispensable à la libération de la Grèce du joug de l’oppresseur. Ainsi ils luttèrent contre les Valaques, cette peuplade roumanophone de Thessalie et d’Epire organisée en bandes armées par les Italiens pour faire sécession. Aris et ses compagnons d’armes exterminèrent ces collaborateurs et s’approprièrent leurs coiffures, faisant ainsi d’un symbole de trahison, un des attributs les plus convoités de la résistance nationale. Désormais, ils constitueront le corps d’élite de la Résistance et seront surnommés : les toques noires.

Dans le maquis de Roumélie, Aris et Thanassis, coiffés de leurs toques noires, sont en pleine conversation.

Thanassis

Combien les choses ont changé depuis ton premier exploit sur l’Acropole.

Aris

Rien n’a changé, Thanassi, nous sommes amis.

Thanassis

Mais à présent tu es devenu la première figure de la résistance armée.

Aris

Je suis surtout l’un des rares à voir l’étendue du désarroi dans lequel se trouve notre patrie. La Grèce ne meurt pas mais elle est à genoux.

Thanassis

Voilà pourquoi elle a besoin d’hommes comme toi !

Aris

Ce sont des toques noires dont elle a besoin !

Thanassis

Les toques noires ne seraient rien sans toi… Tu les as créées, tu les as formées…

Aris

C’est l’esprit de la résistance qui les a créées et c’est la bravoure de l’âme qui les a formées !

Thanassis

Et le goût de la liberté ? Un temps. Sans ton exemple, ils ne se battraient pas contre la mort pour exister…

Aris

Si je suis responsable de quelque chose, c’est du fait qu’ils versent leur sang pour la liberté.

Thanassis

Pourquoi tes jugements sont-ils toujours aussi durs ?

Aris

Car je suis un guerrier ! Je suis né dans un pays en guerre, je mourrai dans un pays en guerre.

Thanassis

Mais pourquoi, Ari ? Tous nos combats mènent à la libération de la Grèce…

Aris

C’est vrai ! Cependant ils encouragent aussi la jalousie et la haine : des hommes de notre propre parti sont jaloux de nous et les Anglais commencent à nous haïr alors que nous sommes leurs alliés. Silence. Notre différence dérange !

Thanassis

Sur ce point, je suis de ton avis. Tous nos actes sont transformés dans le but de leur servir…

Aris

Nos luttes sont vaines, nos victoires sont pyrrhiques et notre justice, cruelle.

Thanassis

Et pourtant le peuple grec chante déjà nos exploits. Un temps. Lorsque les hommes de cette terre aride nous voient monter les plus beaux chevaux de la région et charger comme des buffles, barbus, coiffés de nos toques noires, ils revivent enfin les épopées de notre passé. Silence. Nos armes sèment la terreur chez nos ennemis et nos instruments chantent l’hymne à la résistance alors de quoi peut-on nous en vouloir ?

Aris

Justement de tout cela ! Chacune de nos actions, plus elle nous couvre de gloire, plus elle nous condamne aux yeux des autres !

Thanassis, pensif.

Ainsi notre différence nous a déjà condamnés.

Aris, en le prenant par l’épaule.

C’est exactement cela, Thanassi, mais pour rien au monde je ne changerais de vie.

Thanassis, en lui prenant lui aussi l’épaule.

Je suis avec toi, Ari !

Aggélos fait irruption au même instant et s’approche rapidement d’Ari.

Aggélos

Puis-je te parler ?

Aris

Bien sûr, Aggélé…

Aggélos

Oui, mais seul…

Aris et Thanassis sont surpris par cette requête.

Aris

Comment ? Un temps. Tu sais bien que je ne cache rien à mes hommes et Thanassis est mon bras droit.

Aggélos

Justement…

Aris, toujours aussi surpris.

Justement quoi ?

Aggélos

Cela le concerne…

Aris

Alors parle sur le champ !

Aggélos, hésitant.

Il est accusé de vol !

Aris, en regardant Thanassis.

De vol ? un temps. Et qu’aurait-il volé ?

Aggélos

Une icône de la Sainte Vierge…

Thanassis

Qui m’accuse de cette infamie ?

Aggélos

Une femme du village… Elle t’aurait vu sortir de l’église… Et lorsqu’elle y est entrée l’icône avait disparu.

Thanassis

Jamais je n’aurais pu commettre un tel crime…

Aggélos

Les toques noires demandent à être réunies.

Aris

Chez nous, le vol est passible de condamnation à mort…

Aggélos

Elles le savent…

Obscurité.

Thanassis se retrouve seul : le chacal seul, entre chiens et loups, comme écrasé par l’ironie du sort.

Thanassis, en regardant le ciel.

Aléko ! Tu sais, toi, pourquoi je me trouvais dans cette église ! Un temps. Je ne pouvais faire autrement… C’était comme si j’avais entendu ta voix… Jamais je ne t’oublierai, mon frère ! Un temps. En entrant j’ai pris une poignée de bougies, comme l’on prend des bâtons de dynamite… En les allumant, je te revoyais en train de donner tes dernières directives à Roza, je revoyais vos regards baignés de larmes devant le corps de Markos, je nous revoyais ensemble, enfin libres des salles de torture de la Sûreté. Silence. J’ai embrassé l’icône de la Sainte Vierge, c’est vrai ! Mais je ne l’ai volé, Aléko !

Vassilis entre sur scène en larmes et se jette dans les bras de Thanassis.

Vassilis

Ils t’ont condamné à mort, mon frère !

Thanassis, abasourdi par cette nouvelle.

Je ne comprends pas, Vassili, c’est impossible…

Vassilis, en se reprenant quelque peu.

Le comité des toques noires t’a jugé.

Thanassis

Mais je suis innocent !

Vassilis

Tu es une toque noire ! Et aucun soupçon ne doit planer sur notre corps. Voilà ce qu’ils ont dit après avoir écouté cette femme…

Thanassis

Mais Aris…

Vassilis

Il t’a défendu comme son frère mais au moment du vote nous faisons partie de la minorité…

Thanassis, sur un ton très digne.

Je vois… Un temps. Je dispose de combien de temps ?

Vassilis

De quelques minutes à peine…

Thanassis

Ils veulent donner l’exemple… Pourtant c’est innocent qu’ils viennent de condamner. Silence. Vassili, je veux que tu prennes soin de mes livres et de mes notes.

Vassilis

Ne parle pas ainsi, Thanassi.

Thanassis

C’est nécessaire. Plus rien d’autre n’a d’importance ! Quant à mes armes, je les confie toutes à Aris.

Au même instant, Aris entre sur scène et s’avance lentement vers eux. Il serre la main de Thanassis et ils tombent dans les bras l’un de l’autre.

Aris

Thanassi, mon frère…

Thanassis

Le temps de nous séparer est donc venu…

Aris

C’est à peine croyable… Un temps. La gloire des toques noires est devenue notre ennemie. Elle est devenue plus importante que les hommes eux-mêmes ! Un temps. Accusés de toutes parts, nous nous condamnons pour ne pas être accusés d’injustice ! Un temps. Nous avons été vaincu par l’absurde ! Je n’ai rien pu faire, mon frère.

Thanassis

Je le sais… Il ne faut pas t’en vouloir… C’est notre destin…

Aris

Mais ce destin, Thanassi, est dénué de sens !

On entend des pas, ce sont Aggélos et Michalis qui viennent saluer une dernière fois leur frère d’armes. Ils le serrent dans leurs bras en sachant que c’est la dernière fois. Et le temps semble suspendu sur cet instant.

Thanassis

Adieu, mes frères !

Il s’éloigne dignement. Alors les toques noires s’écrient : Axios et se tiennent par la main, unies comme un seul homme, un seul chacal. Puis le silence s’abat sur eux de tout son poids : silence. Puis apparition soudaine d’un jeune garçon à l’opposé du groupe…

Sotiris

Commandant ! Commandant !

Aris

Qui es-tu, garçon ?

Vassilis

C’est Sotiris, un garçon du village…

Aris

Parle !

Sotiris

Il est innocent ! Il est innocent ! Il reprend sa respiration. Nous avons retrouvé l’icône !

Et il tend ses bras, montrant ainsi une icône de la Vierge glykofiloussa. Aris la prend dans ses mains.

Aris, dans un cri.

Vassili, prend ce garçon avec toi et rattrape sur le champ !

Vassilis, heureux, en prenant Sotiris par la main.

Allez, viens !

Ils sortent en courant. Aggélos et Michalis s’embrassent et s’approchent d’Aris.

Aris, en les voyant s’approcher.

Je veux que l’on me laisse seul !

Aggélos et Michalis s’éloignent sans dire un mot.

Aris

Prend pitié de moi, Seigneur. J’ai failli exécuter mon frère pour une question d’honneur !

Il tombe à genoux, l’icône dans les mains. Obscurité.

On retrouve les toques noires sans Aris.

Michalis

Nous devons faire quelque chose ! Cela fait déjà plusieurs heures qu’Aris reste cloîtré dans sa chambre…

Aggélos

Il a du mal à se remettre de cette épreuve… Quand tu nous as quitté, Thanassi, il était à bout !

Thanassis

Je vais aller lui parler…

Vassilis

Je crois que c’est le mieux. Un temps. Il ne pourra pas te refuser l’entrée…

Michalis

J’ai encore du mal à réaliser ce qui vient de se passer… C’est tout simplement incroyable… Nous avons failli le tuer pour une broutille…

Thanassis

Pas vous, mes frères ! Un temps. La majorité ! Celle qui a peur des autres, du jugement qu’ils pourraient porter sur elle et son action…

Obscurité.

Aris est seul dans sa chambre. Celle-ci représente un havre de paix dans cette guerre. Ses étagères débordent de livres politiques, historiques, stratégiques et bien sûr classiques qui sont en bonne place. Au centre de la chambre, Aris est en train d’écrire sur son cahier de notes, assis à son bureau, entouré de feuillets et d’essais. Une lampe éclaire vivement son visage qui semble éteint. Il vient, seulement maintenant, après plusieurs heures de combat, de vaincre la tempête qui faisait rage en lui. C’est à ce moment là qu’apparait Thanassis sur le seuil de sa porte.

Thanassis

Ari !

Aris absorbé par son travail ne semble pas l’entendre alors Thanassis s’avance lentement vers lui.

Ari ! En lui touchant l’épaule.

Aris

Mon frère, je t’attendais !

Thanassis

Les autres m’ont dit que tu souhaitais demeurer seul alors je n’ai pas osé venir…

Aris

C’était vrai ! Un temps. Maintenant, je voulais te parler…

Thanassis

Alors parlons, Ari !

Aris

Tu avais raison…

Thanassis

A quel propos ?

Aris

Des choses ont changé…

Thanassis

Mais nous sommes toujours amis, n’est-ce pas ?

Aris

Oui, c’est vrai. Un temps. Et pourtant…

Thanassis

Qu’y a-t-il, Ari ?

Aris

Et pourtant j’ai failli te faire tuer pour une broutille…

Thanassis

L’honneur des toques noires n’est pas une broutille.

Aris

Peut-être… Mais que représente-t-il devant la vie d’un homme ? Silence. Tu vois, c’est cela qui a changé… En tant que chef des toques noires, j’ai du me plier à la sentence de la majorité… Alors que…

Thanassis, en le coupant.

Alors que dans le temps, tu aurais décidé seul !

Aris

Exactement, mon frère ! Et jamais je n’aurais pu condamner un ami !

Thanassis

Ce n’est pas toi qui m’a condamné ! Vassilis m’a raconté ce que tu as fait pour moi…

Aris

Cependant je n’ai rien pu faire pour te sauver. Un temps. Tous plaçaient l’honneur du corps au dessus de l’homme. Alors que le corps n’est rien sans les hommes… Un temps. Dans le temps, ils n’auraient pu me mettre en minorité…

Thanassis

Car il n’y avait pas de vote, mon frère… Et puis tu sais bien que sur le principe c’est faux !

Aris

Pourquoi dis-tu cela ?

Thanassis

Car depuis notre naissance, nous faisons partie de la minorité ! C’est dans notre nature !

Aris

Notre caractéristique…

Thanassis

Cette caractéristique qui par delà le bien et le mal nous élève au rang d’humains !

Aris

Parfois, je me demande si nous ne le sommes pas trop…

Thanassis

Humain ?

Aris

Oui, trop humain… C’est l’impression que me donnait Alékos…

Thanassis

Sans doute que tu ne voyais que du sentimentalisme dans son humanité…

Aris

Non, ce n’est pas exactement cela… Car je voyais qu’Alékos était différent !

Thanassis

A présent, tu es aussi différent que lui…

Aris

C’est peut-être cela… J’ai l’impression que cette épreuve m’a transformé.

Thanassis

Tu ne dois pas le vivre comme une faiblesse !

Aris

Je le sais bien. Mais mon corps a vacillé devant la conscience de l’esprit ! Un temps. J’ai subi une véritable tempête en moi…

Thanassis

Ne crois pas que je sois resté inchangé au cours de cette épreuve !

Aris

Je le sais, mon frère. Aussi je te demande de me pardonner…

Thanassis

Au contraire, grâce à cette épreuve, j’ai découvert l’esprit de l’essentiel. Et à présent, je comprends mieux Alékos lorsqu’il disait qu’il désirait vivre ! Car avec le temps qui passe, nous oublions peu à peu ce désir. Un temps. Alors que ce désir est tout !

Aris

C’est bien là que ce trouve notre différence essentielle !

Thanassis

Pourquoi dis-tu cela, Ari ?

Aris

Car je vis en affrontant la mort alors qu’il est mort en désirant la vie !

Un temps.

Thanassis

Ce sont nos choix qui nous caractérisent…

Aris

Seulement certains choix coûtent très chers !

Thanassis

Car ils sont précieux, mon frère.

Aris

Je veux que nous restions amis malgré les combats et les épreuves que nous aurons à subir par la suite.

Thanassis

C’est aussi mon plus grand désir !

Ils s’approchent lentement l’un de l’autre et s’embrassent, conscients du pacte qu’ils ont noué face à la mort. Par ce geste, qui représente une véritable renaissance de l’amitié, ils ont lié leur sort jusqu’à ce que la mort elle-même vienne les séparer. Mais là encore, ils se battront contre elle, tel un aigle bicéphale !

Obscurité.

ACTE II

En bord de scène, les jambes pendantes, épuisés, Aggélos et Vassilis entourent Michalis. Couchés à même le sol, leurs regards face au ciel, ils contemplent le crépuscule.

Michalis

Cette fin de journée ressemble à une fin de monde…

Aggélos

Pourquoi penses-tu à cela, Michali ?

Michalis

Je ne sais pas exactement. J’ai un pressentiment…

Vassilis

Tu n’es pas le seul, Michali…

Michalis

Je t’ai observé hier lorsque tu étais seul avec ton baglama… En t’écoutant j’avais les larmes aux yeux…

Vassilis

Qui peut résister aux lamentations du baglama ? Un temps. Hier, je pensais à tous nos amis qui nous ont quittés…

Michalis

Chaque jour qui passe, les montagnes me paraissent de plus en plus sombres.

Aggélos

Nous avons toujours vécu dans l’ombre du pouvoir et à présent que nous avons notre destin entre les mains, tu y vois un mauvais signe !

Michalis

Ce signe n’est ni bon ni mauvais, c’est simplement celui de la fin…

Vassilis

Où veux-tu en venir, Michali ? Un temps. Car pour moi, même si la tristesse du passé envahit parfois ma mémoire, notre combat est notre unique chance de libérer notre peuple !

Michalis

Nous avons gagné bien des combats mais malgré ces victoires parfois chèrement payées, au bout de notre lutte je ne vois que la mort…

Thanassis apparaît au fond de la scène et intervient sans s’avancer vers eux.

Thanassis

Pourquoi la mort doit-elle arrêter l’homme avant qu’il puisse atteindre le but ultime de la révolution ?

A ces mots, ils se relèvent brusquement tous les trois.

Michalis

Thanassi, tu étais là ?

Thanassis

Je suis toujours là ! Silence. La mort est au bout de toute vie. Un temps. Ce qui caractérise chacun de nous, ce sont les actions qu’il réalise au cours de cette vie. Un temps. Certains n’ont qu’une seule vie, d’autres une vie unique !

Michalis

Les Toques Noires ont, il est vrai, une vie unique mais au prix de combien de sacrifices ? Un temps. Nous luttons contre les Valaques, les Italiens, les Bulgares, les Allemands pour sauver le peuple grec et pourtant les propagandes anglaises et extrémistes, nous transforment en véritables assassins…

Thanassis

Nous luttons pour la justice, non pour la vérité ! Même si l’on nous couvre d’insultes et de fausses accusations, c’est grâce à nous que la Grèce reprend vie !

Michalis

Tout ce que tu dis est vrai, Thanassi, mais qui d’autre que nous le sait ? Un temps. Même les villageois qui nous aident au risque de subir des représailles, nous regardent avec crainte…

Thanassis

Mais ils continuent à croire en vous, et c’est le plus important.

Michalis

Ils croient mais ils ne voient pas alors un jour ils douteront de notre action !

Cette fois, c’est Aris qui apparaît à l’autre bout de la scène…

Aris

La résistance ne peut dépendre des croyances ! Silence. Notre unique devoir c’est de libérer la Grèce ! Tout ce que nous avons à subir pour ce choix est sans importance !

Michalis

Mais Ari…

Aris, le coupant.

Il ne reste plus que nous, Michali, nous sommes seuls ! Alors c’est à nous d’agir ! Puis en changeant de ton. Une nouvelle mission nous attend !

Thanassis

Qu’as-tu en tête, Ari ?

Aris

Le pont de Gorgopotamos !

Michalis

Ari, ce pont est gardé par une armée tout entière…

Aris

L’Elas n’a jamais eu peur des Italiens et encore moins les Toques Noires ! Nous serons cent-cinquante pour cette attaque.

Michalis, en insistant.

Ce pont est protégé de toutes parts ! La défense italienne n’a rien laissé au hasard : tranchées, fils barbelés, béton armé, fortifications et j’en passe !

Aris

Michali, tu as raison en tout point. C’est pour cela que c’est à nous de le faire sauter avec 60 hommes de l’Edes et 12 saboteurs anglais…

Vassilis

En quoi ce pont est-il stratégique ?

Aris

Il permet le passage à l’unique voie ferrée qui mène au port du Pirée et les Allemands l’utilisent pour approvisionner les troupes de Romel en Afrique du Nord. Un temps. En faisant sauter ce pont, nous couperons la voie pour au moins six semaines.

Thanassis

Une aide précieuse pour les Alliés…

Aris

Parfaitement, Thanassi ! Un temps. A présent, passons aux détails de l’opération… Aris sort une carte de sa poche et la déplie à même le sol avec précaution. C’est ici en montrant du doigt. au sud du pont que 65 hommes attaqueront les 80 soldats italiens de la section fortifiée. Une section de 30 hommes de l’Edes attaquera la partie nord du pont qui est défendu par 30 soldats italiens.

Vassilis

Pouvons-nous compter sur eux ?

Aris

Si ce n’est pas le cas, les Toques Noires iront les soutenir ! Un temps. Deux autres sections de l’Elas constituées de 30 hommes chacune associées à des saboteurs anglais se chargeront de barrer la route à tout renfort possible. Elles seront placées à environ un kilomètre de part et d’autre du pont.

Thanassis

Et pour les ponts proprement dits ?

Aris

Une section de 30 hommes sera en réserve, un autre de 15 s’occupera du pont en bois enfin un petit groupe d’hommes composé de huit hommes de l’Elas, quatre Anglais et quatre hommes de l’Edes aura pour mission de faire sauter le pont de Gorgopotamos.

Michalis

Je veux faire partie du groupe qui posera les bombes.

Aggélos

Je serai avec toi, Michali.

Vassilis

J’irai avec le groupe du pont de bois.

Thanassis

Nous ne serons pas trop de deux…

Vassilis

Non, Thanassi, je peux m’en occuper seul. Il vaut mieux que tu sois aux aux côtés d’Aris…

Thanassis

D’accord, Vassili ! A présent tu es capable de tout ! Un temps. Il lui tient l’épaule. Alors Ari, nous attaquerons ensemble la partie sud du pont.

Aris

Oui, Thanassi ! L’aigle bicéphale attaquera le 25 au soir, et le lendemain le pont de Gorgopotamos appartiendra à la légende !

Michalis, en s’adressant à Vassilis et Aggélos.

Venez, nous allons prévenir les autres !

Vassilis et Aggélos s’exécutent et ils s’éloignent tous les trois.

Aris

Thanassi, tu as quelque chose à me dire ?

Thanassis

C’est exact, Ari. C’est au sujet du moral des hommes…

Aris

Que crains-tu précisément ?

Thanassis

Le 28 octobre nous avons perdu Daskalakis au cours du combat de Krikélo.

Aris

Crois-tu que j’ai oublié ?

Thanassis

Non, tu n’es pas de cette trempe. Je sais que tu n’oublies rien. Seulement les hommes ne sont pas tous comme toi.

Aris

Où veux-tu en venir, Thanassi ?

Thanassis

Au fait qu’il est naturel de craindre la mort lorsque nous la côtoyons de si près…

Aris

Tant que cela ne les détourne pas de notre mission, je ne peux pas leur en vouloir.

Thanassis

Justement c’est ce dont il s’agit, mon frère ! Un temps. Chaque fois que nous revenons d’une expédition que nous avons menée à bien, les hommes s’interrogent sur notre mission. Nous luttons pour la Grèce pourtant on nous accuse de vouloir prendre le pouvoir, nous nous battons contre nos ennemis pourtant notre gloire agace les dirigeants. Alors pour eux, la question est la suivante : quel est le sens de notre combat ?

Aris

Je devrais te répondre : quel est le sens de cette question ?

Thanassis

Cependant tu ne répondrais pas…

Aris

Je le sais bien Thanassi, n’aies crainte. Un temps. Indépendamment de tout sens, notre combat est une nécessité. Sans nous la Grèce ne connaîtra la liberté !

Thanassis

Nous sommes du même avis et c’est pour cela que je suis ton second.

Aris

Tu n’es pas seulement mon second, tu es mon ami !

Thanassis

C’est vrai et j’en suis fier cependant pour les hommes la question demeure : la liberté pour qui et à quel prix ?

Aris

La liberté pour tous les Grecs, au prix de notre mort ! Silence.

Thanassis

Je voulais t’entendre le dire…

Aris

Eh bien, c’est fait !

Thanassis

Ne crois-tu pas que ce destin ne soit trop dur pour les hommes ?

Aris

Pour les hommes, oui, mais pas pour les Toques Noires !

Thanassis

Les Toques Noires sont aussi des hommes, ne l’oublie pas…

Aris

Je ne l’oublie pas mais je ne peux pas compter sur cela dans notre lutte. Un temps. La liberté est un luxe pour nous !

Thanassis

Mais pourquoi, Ari, pourquoi n’aurions-nous pas le droit nous aussi de goûter à cette liberté ?

Aris

Car nous devons l’acheter au prix de notre vie ! Un temps. Nous sommes les esclaves de la liberté !

Thanassis

Ari, combien d’hommes sont capables de soulever un tel fardeau toute une vie ?

Aris

Une poignée, Thanassi, une poignée. Cependant leur nombre n’a pas d’importance, l’essentiel c’est leur existence.

Thanassis

A eux seuls seraient-ils capables de changer le monde ?

Aris

Un héros suffit à métamorphoser tout un peuple ! Un temps. Seulement il lui faut du temps…

Thanassis

Tu dis cela comme s’il n’avait besoin que de ça…

Aris

Oui, Thanassi, car il lui faut du temps pour insérer son oeuvre dans la réalité des hommes.

Thanassis

Tu as raison… Un temps. L’idée a besoin de l’action pour créer son oeuvre et tenter de changer le monde…

Aris

Le temps est la mesure du monde !

Thanassis

De combien de temps disposons-nous ? De combien de temps disposent les Toques Noires ?

Aris

Deux ans tout au plus…

Thanassis

Seulement ?

Aris

Depuis que nous avons pris les armes et obtenu nos premières victoires, le temps nous est compté.

Thanassis

Mais alors l’expédition du pont…

Aris

Le pont de Gorgopotamos marquera pour nous le début de la fin !

Obscurité.

Gorgopotamos, le soir du 25 novembre 1942. Aggélos et Michalis, deux des poseurs de bombes, se tiennent à l’écart des autres. Au fond de la scène, on aperçoit la silhouette du pont de Gorgopotamos. L’attaque est imminente. Mais eux doivent attendre que les sections nord et sud prennent d’assaut les postes de défense italiens. Michalis est littéralement transformé car il sait qu’il est le responsable des explosifs, il est tout entier à sa tâche. Alors qu’Aggélos est comme fasciné par la présence du Pont… Au même endroit, au même moment, deux hommes, deux visions !

Aggélos

C’est donc ce pont que nous allons détruire…

Michalis, absorbé.

Oui.

Aggélos

C’est la première fois que nous allons détruire ce que d’autres Grecs ont créé…

Michalis

Seulement ce sont des Italiens et les Allemands qui l’utilisent…

Aggélos

Il a été construit pour aider les hommes !

Michalis

Et c’est pour aider les hommes que nous allons le détruire !

Aggélos

Ainsi il ne représente rien pour toi ?

Michalis, surpris par cette question.

Pour moi ? Un temps. Ce pont est un collaborateur ! Un temps. Aussi il doit disparaître ! Puis en regardant Aggélos dans les yeux. Qu’as-tu Aggélé ,

Aggélos, sur un ton sec.

Rien !

Michalis

Pourtant je vois bien que ce pont te perturbe !

Aggélos

C’est vrai, tu as raison. Il me rappelle un autre pont…

Michalis

Quel pont ?

Aggélos

Un pont de pierre qui se trouve au bord de mon village.

Michalis

Je te trouve bien sentimental !

Aggélos

Tu ne peux pas comprendre… Ce pont est tout un symbole pour moi;

Michalis, en se rapprochant de lui.

Désolé, mon frère.

Aggélos

Tu ne pouvais pas savoir. Un temps. Ne te reproche rien.

Michalis

Je pensais à notre mission sans faire vraiment attention à ce que tu me disais. A présent je veux savoir ce qui s’est passé dans ton village… Silence.

Aggélos

Dans mon village, il y avait un vieil homme : c’était notre mémoire vivante.

Michalis

C’est-à-dire ?

Aggélos

Je veux dire que chez nous, dans le temps, il n’y avait pas d’écrits. Pas d’archives, pas de livres, rien ! Nous étions tellement isolés que même les Turcs ne nous avaient trouvés. Il n’y avait que le vieux Yannis pour se rappeler de l’histoire de notre village.

Michalis

Dans les petits villages ce sont les vieux qui se souviennent…

Aggélos, en le coupant sèchement.

Non, il était différent ! Il se rappelait de tout ! Rien n’échappait à sa mémoire ! Un temps. Il en avait toujours été ainsi. sa vie devenait de la mémoire !

Michalis

Sa mémoire devait être exceptionnelle…

Aggélos

C’était un véritable monde ! Notre monde ! Un temps. Un monde où tous les mouvements étaient devenus des images…

Michalis

Est-il mort ?

Aggélos

Non ! Il ne doit pas mourir !

Michalis

Alors pourquoi en parles-tu au passé ?

Aggélos

Car désormais c’est un homme du passé !

Michalis

Comment ?

Aggélos

Les images du passé sont emprisonnés dans sa mémoire.

Michalis

Je ne comprends plus rien ! Que s’est-il passé ?

Aggélos

Le vieux Yannis était maçon, le meilleur de tous, de toute la région. Aucun séisme n’avait réussi à abattre la moindre de ses constructions. Il faisait l’admiration de tous. Aussi quand le village décida d’avoir un pont pour éviter le périlleux chemin des gorges, on fit naturellement appel à lui…

Michalis

Le fameux pont…

Aggélos

Alors le vieux Yannis commença la construction du pont ; sans plans, sans documents. Il avait tout en tête. Il connaissait toutes les constructions des anciens car depuis son plus jeune âge, il allait sur tous les chantiers. Sa mémoire connaissait le moindre geste, le moindre détail nécessaire à la construction. Mais cette fois, il voulut construire son pont. Un pont entre le passé et le futur entièrement de ses mains. Chaque soir, il l’imaginait dans sa tête.

Michalis

Et toi, tu allais le voir…

Aggélos

Chaque matin, au café du village. Il me racontait ce qu’il imaginait… Mais un jour…

Michalis

Quoi donc ?

Aggélos

Le monde remplit sa mémoire. Un temps. Et il ne put plus rien se rappeler de nouveau. Le temps s’était arrêté dans sa tête. Le monde avait une fin dont il ne pouvait plus se défaire. Et chaque jour nouveau était le même pour lui. Sa mémoire était devenue un pont qui n’atteindrait jamais le rive du futur.

A ce moment on entend au loin les premiers coups de feu… C’est la bataille du pont de Gorgopotamos. Obscurité.

Dans la pénombre, on aperçoit Aggélos en train de traîner Michalis. Il a été blessé au moment où les soldats de l’Edes ont été débordé par la contre-attaque des Italiens. Et pendant qu’Aris avec les Toques Noires viennent les soutenir, Aggélos transporte avec peine le corps de son ami. Il est lui-même blessé et épuisé par l’effort. Il s’effondre avec Michalis au centre de la scène. Il s’approche de la tête de Michalis.

Aggélos

Tiens bon, Michali, les autres ne vont pas tarder d’en finir avec les Italiens.

Michalis, couvert de sang, ne lui répond pas ! Alors Aggélos lui secoue lentement la tête. Comme il demeure sans réaction, il écoute sa respiration et lui dégage la poitrine, découvrant ainsi une croix en bois sur laquelle s’était fichée la balle ennemie…

Michalis, à bout de souffle.

Aggélé…

Aggélos

Oui, je suis là !

Michalis

Le pont ?

Aggélos

Ne t’inquiète pas ? Je m’en occupe. Dès les Toques Noires en auront fini avec la partie nord, le pont ne sera plus qu’un souvenir. Tu m’entends ?

Michalis

Prends mes détonateurs, mon frère…

Aggélos fouille sa sacoche mais Michalis s’évanouit à nouveau

Aggélos, en le remuant.

Reste avec moi, Michali !

Michalis

Pressentiment…

Aggélos, se redressant.

Non, Michali, cela n’a rien à voir. Un temps. Vassilis avait raison. On ne pouvait compter sur les hommes de l’Edes… Mais Dieu est encore avec nous, mon frère ! Un temps. C’est ta croix en bois qui t’a sauvé ! Un temps. Tu vois, il ne nous a pas oubliés !

Michalis

J’ai froid…

Aggélos, en le couvrant de son manteau.

Tiens, garde-le moi… Je n’en aurai pas besoin sur le pont. Il se lève péniblement après lui avoir serré les mains. Ne t’endors pas ! Tu vas entendre la nuit crier notre victoire ! Il part.

Michalis, seul.

Prend soin de toi, mon frère… Silence.

Dans l’obscurité totale, Michalis attend. Long silence. Puis séries d’explosions suivies par le fracas du métal brisé. Entrée sur scène de l’ensemble des Toques Noires. Michalis est toujours au milieu, couché, recouvert du manteau d’Aggélos. Ils accourent tous vers lui.

Aris, en s’adressant à Aggélos qui est déjà penché sur Michalis.

Que s’est-il passé, Aggélé ?

Aggélos

Michalis a été blessé au moment de la retraite de l’Edes mais sa croix de bois l’a sauvé ! A Michalis. Tu as entendu ? Je l’ai fait sauter avec tes détonateurs, Michali !

Michalis

Merci, mon frère !

Vassilis

Cette croix est un cadeau de Timothéos. Un temps. C’est un signe du destin !

Thanassis

A présent le notre est tracé.

Aris, à Michalis.

Je suis heureux que tu sois encore parmi nous !

Michalis, en souriant.

Moi aussi, Ari !

Vassilis

Sacré Michali, tu nous as fait peur…

Aris

Emmenez-le à l’infirmerie, il a perdu beaucoup de sang.

Aggélos et Vassilis le prennent par les épaules et s’en vont lentement.

Thanassis

Nous avons failli le perdre…

Aris

Je sais.

Thanassis

Tu n’as pas à te sentir coupable.

Aris

Cependant je suis responsable de mes hommes ! Un temps. Je n’aurais pas dû accepter la collaboration de l’Edes.

Thanassis

Nous n’avions pas le choix ! Cette décision dépendait des Alliés et du Parti.

Aris, furieux.

Michalis a failli mourir à cause d’une décision politique !

Thanassis

Ari, tu sais mieux que nous que ce conflit est devenu politique…

Aris, même ton.

Nous luttons encore contre cette invasion barbare ! Nous avons besoin d’hommes, non de politique ! Nous défendons notre droit d’exister ! Il ne s’agit pas de politique mais de justice !

Thanassis

Seulement la réalité est là ! Et certains forts comme celui de Palamède rappellent à notre souvenir que la politique est toujours sortie victorieuse, peu importe les conflits.

Aris

Comment peux-tu accepter cela ?

Thanassis

Je ne l’accepte pas, je le vis. Un temps. La politique est comme la mort. Personne ne l’accepte mais tous meurent…

Aris

Jamais je ne me soumettrai à celle-ci !

Thanassis

Alors tu es condamné ! Un temps. Bien des têtes sont tombées en luttant contre elle.

Aris

Je ne crains aucun de mes ennemis.

Thanassis

En politique, ce ne sont pas tes ennemis que tu dois craindre.

Aris

Si je dois être trahi par mes frères d’armes, je préfère mourir.

Thanassis

Quelque soit ta décision, je resterai à tes côtés même si l’on doit me trancher la tête.

Aris

La liberté ou la mort, tel est notre sort !

Ils s’embrassent avec force.

Noir.