208 - Exigences Singulières

N. Lygeros

Par définition le sentiment de surdouement ne peut être vécu que par une toute petite minorité de la population. Or cette dernière étant naturellement opposée à la majorité, elle se retrouve dans un cadre marginal car les structures institutionnelles ne sont prévues que pour elle. Dans cette situation hors normes, le surdoué ne peut faire valoir ses centres d’intérêts car ils ne correspondent pas aux attentes de la société. Aussi son isolement suit une loi naturelle qui finit par le caractériser pour l’ensemble de la société. De plus cette dernière érige au rang de proposition universelle l’opinion de la majorité alors qu’elle ne représente que le produit d’un consensus manufacturé. Ainsi le surdoué après avoir été perçu comme solitaire et marginal devient contestataire. Et son existence même est interprétée comme une remise en cause des structures sociales.Cependant la singularité du génie est encore plus profonde car elle constitue une rupture sur le plan cognitif. Conscient de sa rareté, il ne recherche pas l’aval de la société pour vivre. Capable de donner un sens à son existence, il a des exigences qui sont sans relation avec la société et qui correspondent à la nécessité de l’expression d’une temporalité interne. En effet sa pensée se construit à partir d’évènements qui sont d’ordre mental et comme ceux-ci ne peuvent être facilement partagés, elle ne peut se baser sur une temporalité extérieure qui n’est pas en corrélation avec son cheminement cognitif. Ainsi son comportement qualifié bien souvent d’étrange par la société ne correspond en rien à une excentricité quelconque, au contraire il est rationnel et d’une certaine manière architectural puisqu’il est l’élément agissant et constructif de sa pensée.En poursuivant notre raisonnement sur le statut de l’individu face à la société, jusqu’à sa dernière extrémité nous parvenons au concept de génie universel. Car si le surdoué est conscient de sa différence et le génie l’accepte pour la vivre pleinement, le génie universel quant à lui la revendique. En effet l’esprit humaniste saisit la différence de nature alors que l’esprit prométhéen, conscient de l’impact de sa différence, éprouve la nécessité d’agir. Même si son existence et son devenir sont totalement différents de ceux de l’individu normal, il sait qu’ils sont tous les deux responsables de l’évolution de l’humanité. Aussi il ne s’agit plus d’un questionnement individuel et local mais d’une approche holistique de l’impact singulier. Car toute la souffrance prométhéenne est métamorphosée en un combat pour le bien de l’humanité.