1912 - Résistance arménienne

N. Lygeros

L’étude des archives et des documents historiques du génocide des Arméniens ne permet pas de comprendre la notion d’arménité dans son ensemble. Car même si le génocide représente un changement de phase incontestable pour le peuple arménien, l’arménité ne peut être réduite à celui-ci. Prôner cette idée revient à effacer l’histoire de l’Arménie de ses origines à 1915. De la même manière, il est ridicule de considérer que les échanges sur les forums représentent l’arménité. Car cette dernière est une denrée rare quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse. Elle demande des sacrifices et pas seulement dans le domaine du temps. Ensuite au sein de cette arménité, il est possible de développer ce que nous nommerons la résistance arménienne. Celle-ci n’est pas uniquement le résultat de la stratégie. Elle est aussi composée par la tactique et la logistique. Cette dernière est rarement considérée et pourtant elle est essentielle à la cause. Sans celle-ci nos avancées seraient vaines. Il nous a été donné maintes fois l’occasion de rentrer en contact avec ces personnes littéralement infatigables qui approvisionnent les Arméniens avec des informations qui augmentent la valeur des combats de la cause. Nous ne parlons pas de personnes qui n’interviennent qu’occasionnellement lorsque la nécessité se fait sentir. Nous parlons des autres qui grâce à un travail de fourmis participent à la cause arménienne et lui donne toute son assise. Pour notre part, sans ces personnes rien n’aurait été possible, aussi bien dans le domaine des reconnaissances que celui des recours. Car ces informations doivent être grandement diffusées pour réussir à avoir un fer de lance solide. Même si tout le monde ne regarde que la pointe, cette dernière serait inutile sans la longueur du bois. Pour l’ensemble de ces raisons il nous semble nécessaire de renforcer l’ensemble de l’infrastructure de la logistique si nous désirons vraiment une résistance arménienne efficace. Pour comprendre l’ampleur de la tâche, il suffit de considérer une oeuvre comme le Mémorial Lyonnais pour le Génocide des Arméniens. Cette oeuvre n’est pas réduite à ce que l’on voit sur la fameuse place. Elle n’est pas la simple extension de ses fondations. Elle est l’aboutissement d’un travail colossal mais invisible. Du point de vue stratégique, il est important que ce travail demeure invisible mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas essentiel. Sans celui-ci, l’esthétique de la résistance ne pourrait s’exprimer à travers les feuilles de pierre. Il nous a été donné l’occasion de rencontrer dans l’intimité, l’architecte du projet et de comprendre combien il était conscient de ce travail de logistique. Car c’est grâce à cela que le Mémorial a pu aboutir. Loin de se sentir le seul responsable de cette oeuvre, il a toujours mis en avant le travail d’équipe et c’est en cela qu’il représente un exemple d’arménité. L’arménité n’est pas faite que de gloire. Elle se forge aussi dans la solitude du combat pour la cause arménienne. Elle n’envisage pas non plus son propre lendemain. Elle offre son maximum pour le bien-être des autres. Aussi il est important de ne pas l’oublier dans les moments difficiles i.e. lorsque personne ne pense qu’elle est nécessaire. Car c’est dans ces moments que s’exprime la profondeur de l’arménité.