191 - Epilogue : L’ombre et la lumière.

N. Lygeros

EPILOGUE

L’OMBRE ET LA LUMIERE

Le Choeur est déjà présent sur la scène. Le Coryphée arrive à pas lents et se place devant le Choeur. Les autres personnages arrivent au fur et à mesure de son récit, des deux côtés, symétriquement et très lentement.

Par où commencer? Comment raconter le terrible combat qui eut lieu dans le palais des Atrides? Et qui d’entre vous aurait pu prévoir ce récit? Un temps. Egisthe, comme à son habitude, était assis sur le trône usurpé. Chaque fois qu’il en avait l’occasion, il s’asseyait sur ce symbole du pouvoir. Comme si ce symbole suffisait à donner de la valeur à son forfait. Mais la faiblesse ne se commande pas, elle se vit. Elle rassure l’idiotie et rend sûre la méfiance. Alors quelle ne fut pas sa surprise en apercevant les étrangers accompagnés d’Electre.

Son et mouvement du Choeur.

Son coeur comprit plus vite que son esprit l’implacable prophétie. Et il se mit à crier, en désignant Oreste: «Mais tu es mort! Mais tu es mort!». Seulement c’est lui qu’Hadès réclamait! Un temps. En entendant Oreste lui dire: «Assassin, prépare-toi à subir l’ultime justice!», il brandit son épée et s’élança sur lui avec un rictus sauvage. Le duel qui s’ensuivit fut rude, sans merci et son issue incertaine. Car la justice qui ne connaissait pas l’odeur de la mort combattait contre l’expérience de la traîtrise vivant de la charogne.

Pylade se tenait à l’écart, ainsi que son ami le lui avait recommandé et Electre souffrait à chaque coup. Les combattants se blessèrent en de multiples endroits, le sang ruisselait sur leur corps et empourprait leurs habits. Un temps. Mais la justice, même chancelante, finit par vaincre le crime. Et le tyran de Mycènes s’effondra sur le trône usurpé. Comme si son âme voulait toucher une dernière fois le pouvoir, sans réaliser que c’est son propre sang qui avait remplacé la pourpre du roi. Un temps. Puis soudain, un terrible cri !

Son et mouvement du Choeur.

Clytemnestre avait surgi telle une furie, tenant dans ses bras levés, une double hache. La vieille criminelle, non contente d’avoir mutilé son mari, s’en prenait maintenant au fruit de ses entrailles, son propre fils. La double hache s’abattait déjà pour fendre en deux le crâne d’Oreste lorsque Electre poussa son cri pour prévenir son frère voué à une mort certaine. A son cri, Oreste se retourna mais fut pétrifié par la vision, de cette méduse qui répondait au nom de Clytemnestre. Et sans le puissant bras de son ami Pylade qui arrêta dans sa course celui de la tueuse, Oreste ne serait plus. Reprenant ses esprits, son épée, tel un aigle, fondit sur elle et mit fin à ce cauchemar vivant. L’horrible reine tomba inerte aux pieds de son amant sans lâcher sa, double hache comme si son âme voulait l’emporter pour se venger. Au même instant, jaillirent de son misérable cadavre, les plus noires des Furies, plus haineuses que jamais. Elles eurent tôt fait d’encercler de leur puissance, le pauvre Oreste. Car la meute noire ne comprenait rien à la justice et ne voyait qu’un crime à venger. Et c’est uniquement grâce aux terribles flèches prêtées par Apollon, qu’Oreste put les tenir en respect.

Son et mouvement, du Choeur,

Entrent sur scène, par la gauche, Electre suivie de Chrysothémis et par la droite, Oreste suivi de Pylade. Ils marchent lentement et se rejoignent au milieu. Oreste pare Electre d’un collier. Puis ils se mettent dos à dos.

C’est ainsi que le sacrifice fut suivi de la vengeance, le sacrilège de la condamnation et le crime du châtiment. Et c’est ici que s’achève mon récit. Sans artifice aucun, je vous ai conté l’histoire de la maison des Atrides et de la glorieuse Mycènes.

Le peuple mycénien a gravé dans la mémoire des hommes, les exploits devenus légendaires des héros de la guerre de Troie.

Oreste et Electre ont sculpté, quant à eux, dans la pensée des hommes, comment l’obs­curité fut écrasée par le poids de la lumière !

NOTES

Prologue :

Le présage des aigles : oracle de Calchas.

Iphigénie: fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, soeur d’Oreste, Electre et Chrysothémis.

Mycènes riche en or : expression homérique.

Episode 1 :

Lionnes : la Porte des Lionnes est l’entrée principale de Mycènes.

Pyrophore : néologisme construit sur des racines grecques et sur le modèle de photophore, signifiant littéralement : porteur de feu.

Oracle pythique : oracle de Delphes.

Episode 2 :

Dicé : personnification divine de la justice.

Némésis : personnification divine de la vengeance.

Episode 3 :

Utopie : référence à l’article de l’auteur : Une ontologie de l’utopie.

Episode 5 :

Nestor : roi, fameux pour sa sagesse, ayant participé à la guerre de Troie. Pour la course de chars     décrite dans Electre, Sophocle a utilisé les conseils que procure Nestor dans l’ Iliade d’Homère.

Episode 6 :

Cercle : référence au Cercle À des tombes découvert par les fouilles archéologiques dans la cité de Mycènes.

Apollon : allusion diachronique au symbole d’Esculape et référence à la thèse de Joël Gord : Apollon, dieu guérisseur.

Episode 7:

Savoir: citation d’Albert Einstein : «L’imagination est plus importante que le savoir.»

Pouvoir : fleur de mai : «L’imagination prend le pouvoir.»

Montagne : allusion au sens étymologique du prénom Oreste, attesté en mycénien (O-RE-TA), qui signifie: de la montagne, le montagnard.

Episode 9 :

Tauride : lieu où Iphigénie deviendra la prêtresse d’Artémis. Et allusion à la pièce d’ Eschyle: Iphigénie en Tauride.
Mère: citation d’Albert Camus: «Entre la justice et ma mère, je choisirai toujours ma mère.»

Episode 10 :

Loxias: littéralement l’oblique. Ce surnom d’Apollon est sans doute dû à l’ambiguïté de ses oracles.

Epilogue :

Prophétie : la prophétie avait prédit que le descendant d’Agamemnon le vengerait de son assassinat.