1888 - Du cubisme à l’humanisme via le structuralisme

N. Lygeros

Au premier abord, la peinture de Théodora Vourvouri semble être une expression de l’humanisme du cubisme. Un deuxième regard permet de découvrir qu’il s’agit seulement d’un hommage respectueux d’une sensibilité à fleur de peau au cubisme. Plus les sentiments sont forts, plus les angles sont durs. Au-delà du trait, Théodora Vourvouri exploite la brisure de l’angle pour montrer la souffrance de la brisure. Le thème d’Antigone lui offre la possibilité de décliner sont talent à travers cette tragédie grecque qui met en avant la problématique de la nomologie humaine. Au-delà des lois sociales, Antigone représente la nécessité de l’humanité. Et la peinture de Théodora Vourvouri soutient cette résistance mythique de la femme face à la dictature inhumaine, via une tessellation de l’image. Les humains de Théodora Vourvouri sont des morceaux du temps, des tesselles de l’histoire. Le spectateur pourrait ne voir que les arcs sans courbures et les brisures sans liens. Pourtant, ces œuvres sont des assemblages. Il ne s’agit aucunement de la part du peintre de briser la matière mais de concevoir l’œuvre. Elle préfère réduire ses dimensions à deux pour approfondir le temps. Sa peinture est le résultat d’un collage mental. Comme si l’artiste craignait que le collage ne se disloque, il utilise la peinture à l’huile pour lier l’essentiel. Il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition mais d’une véritable imbrication d’éléments architecturaux, qui renforce une approche structurelle qui transcende la couleur. A l’instar de la technique des vitraux qui laissent passer la lumière pour éclairer le sacré, la maîtrise de Théodora Vourvouri transforme la couleur en élément structurel où le plomb est remplacé par l’ombre de la brisure. Sa puissance apparaît explicitement dans le traitement des couples mais aussi de la multiplicité comme dans le tableau intitulé Opinion publique. Les couples sont une unité élémentaire dans l’œuvre de Théodora Vourvouri. Il est impossible de les séparer tant leurs pièces sont imbriquées les unes dans les autres. Il est impossible de concevoir l’un sans l’autre tant leur enlacement est inextricable. Ils ne sont libres que liés à l’instar du Prométhée enchaîné. Le couple semble être une forme transcendante de la solitude de L’homme au manteau. Sa solitude s’est faite couple pour être partagée et créée l’altruisme. Malgré la souffrance ou à cause d’elle, les figures deviennent humaines, si humaines qu’elles plongent le spectateur dans un jeu de miroirs où il est obligé de réfléchir sur la condition et la nature humaines. Antigone, en tant que tableau, montre la généricité du couple puisqu’elle représente l’autre qui ne peut vivre sans l’un. Elle est caractérisée par son acte dans le mythe et par ses gestes dans le tableau de Théodora Vourvouri. Ses seins sont désarmants et ses mains sont désarmées. Son corps n’est que l’expression de l’empathie qui conduira au sacrifice ultime. Le volume n’est qu’esquissé jamais mis en exergue et pourtant la profondeur existe et même domine la scène grâce à un jeu de perspective qui mêle les ruptures à la continuité de la couleur. A travers le dualisme du couple, Théodora Vourvouri montre l’unité de la nature de l’homme, qui ne vit que dans le regard de l’autre à travers les éclats du temps.