1883 - De l’état-otage à la diaspora résistante

N. Lygeros

En étudiant les Accords de Lausanne de 1923, nous ne pouvons nous empêcher de poser la question suivante. Quel est l’intérêt de permettre à la population grecque de demeurer sur les îles de Imvros et Ténédos pour les autorités turques de l’époque ?

En étudiant les Accords de Vienne de 1975, nous ne pouvons nous empêcher de poser la question suivante. Quel est l’intérêt de permettre à la population chypriote de demeurer dans les territoires occupés de Chypre pour les autorités turques de l’époque ?

En réalité, ces questions ne doivent pas être posées car elles ne sont que la conséquence de la signature des accords. Dans les deux cas, nous avons des signatures de l’arrêt de mort des victimes.

Les populations grecque et chypriote ne représentent plus que quelques personnes abandonnées à elles-mêmes. La population a été artificiellement aliénée afin de la transformer selon les désirs politiques et racistes des autorités turques.

En appliquant le même schéma mental au sort de l’état d’Arménie, il est plus facile de comprendre les conditions de son existence. Car il s’agit bien d’existence plutôt que de vie. Du point de vue stratégique, après les célèbres travaux de Clausewicz, le dominant ne recherche plus systématiquement l’anéantissement global du dominé. À un niveau plus local, le soldat cherche plus à blesser qu’à tuer. En effet, les camarades de troupe s’occuperont toujours d’un blessé. Dans ce contexte, nous comprenons plus aisément pourquoi la Turquie tente toujours de faire croire qu’elle est en pourparlers avec l’Arménie. Elle se restreint toujours à la partie libre de l’Arménie comme si elle représentait l’ensemble des Arméniens. Ainsi elle donne l’impression que tout est en bonne marche et diminue l’importance du combat pour la reconnaissance du génocide des Arméniens. Elle exploite l’état-otage pour réduire la résistance de la diaspora. Cela permet de voir la puissance du schéma du non sacrifiable. En voulant consolider les acquis – même s’ils sont faibles – nous nous retenons et nous ne nous déployons pas pleinement. Seulement la reconnaissance ne peut suffire à elle-même. Sans des processus de pénalisation basés sur la problématique du crime contre l’humanité, la cause arménienne ne pourra sortir du cadre étroit de la résistance passive. Le lobby turc ne cesse d’assiéger tous les acquis des Arméniens en matière de droit international car la moindre remise en cause permet de semer le doute sur la validité de la cause tout entière. Nous ne pouvons pas nous contenter d’être tout le temps sur la défensive car nous serons à court d’arguments et de moyens. L’existence étant un acquis insuffisant, la cause arménienne doit vivre pleinement en s’appuyant sur la puissance multiple de sa diaspora. L’arménité est plus grande que l’Arménie-État aussi c’est celle-ci qui doit servir de plate-forme générale pour les manœuvres stratégiques des droits de l’Homme.