1660 - La coalition de l’horreur

N. Lygeros

De nombreuses personnes sont convaincues du fait que l’horreur elle-même a ses limites. Non conscientes de la gravité d’un génocide réel, elles contribuent à leur manière à perpétrer le génocide de la mémoire. Pourtant les signes ne trompent pas. La récente création d’un comité négationniste dont le président n’est autre que Denktash, est une nouvelle preuve. Pour commémorer et honorer le bourreau des Arméniens, des Assyro-Chaldéens et des Grecs Pontiques, le comité a choisi le bourreau des Chypriotes grecs. Nous nous retrouvons donc dans une véritable coalition de l’horreur. Non seulement ces bourreaux ne se considèrent pas comme tels mais ils se targuent d’être les uns les successeurs des autres dans ce combat de la solution ultime. De plus cette commémoration doit se faire à Berlin afin de provoquer l’injure et la blessure. Comme si le double meurtre que représente la négation du génocide des Arméniens ne suffisait pas. Aussi les défenseurs de la cause arménienne doivent réaliser qu’il ne s’agit pas seulement de promouvoir la cause mais véritablement de la défendre contre les agressions de la désinformation turque. L’action ne peut se contenter d’être simplement passive car l’horreur ne peut qu’être active en raison de la neutralité de la masse. Le cadre de la commémoration est un symbole contre lequel il faut lutter sinon il va être aliéné. L’acte de Tehlirian doit être mis en avant pour montrer que les rescapés du génocide des Arméniens ne sont pas seulement de misérables victimes. Ce sont aussi des résistants qui n’ont pas hésité à sacrifier leur vie pour sauvegarder l’unique chose qui pouvait résister à la mort, à savoir la mémoire. C’est ce devoir de mémoire que nous devons réaliser si nous voulons vraiment être considérés comme ses gardiens. La création de ce comité négationniste montre explicitement que la lutte n’est pas finie. Au contraire, la situation est critique car les forces de l’horreur tentent de retourner la situation à leur profit. Nous devons être conscients du fait qu’une des manières d’éviter les pressions européennes, consiste pour la Turquie à réfuter le génocide et non à l’accepter. Si nous restons passivement sur nos positions, les mouvements négationnistes ne manqueront pas de profiter de notre inertie. En réalité cette coalition de l’horreur montre par sa présence que des actions énergiques sont nécessaires, que la lutte pour la reconnaissance n’est pas un combat démodé comme pourraient le penser certaines personnes. Nous voyons que le problème général provient de nos propres forces qui ne considèrent pas forcément qu’il existe un état d’urgence. La routine est bien plus nuisible que l’activité adverse. Par ailleurs, les négationnistes ne cessent de travailler sur le schéma de la désinformation afin de réduire à néant l’impact de la cause arménienne auprès de populations extérieures au problème initial. Pourtant comme il s’agit d’un crime contre l’humanité, nous sommes tous concernés par le génocide des Arméniens, aussi nous ne pouvons nous contenter d’être passifs à l’occasion de cette sournoise commémoration. Nous devons la dénoncer et exploiter sa présence pour accuser et condamner cette coalition de l’horreur.