1446 - Eléments diachroniques en diplomatie

N. Lygeros

Même si la diplomatie représente par excellence, l’art de tout remettre en cause et dans un sens radicalement différent de celui de la stratégie, il n’en demeure pas moins qu’elle doit sans cesse tenir compte d’éléments diachroniques afin de lutter contre eux ou de les exploiter. Ces derniers fonctionnent comme les schémas latents activables selon les besoins du moment. Cette approche est fondamentalement différente de celle de Markov aussi il est essentiel d’en connaître les caractéristiques dans le cadre d’un processus de négociations.

Dans le cadre de négociations étatiques, c’est pour ainsi dire impossible de ne pas tenir compte des éléments diachroniques car les Etats sont fondés sur eux. De plus, chacun d’entre eux connaît l’historique des autres en matière de négociations. Il est donc impossible de faire table rase du passé afin de mettre en avant que des éléments synchroniques. La diplomatie se trouve donc face à une difficulté intrinsèque. Surtout si son état a un passif important dans le domaine des accords et surtout de leurs applications.

Le dogme anglais doit faire face à cette réalité au sujet de la question orientale car il a beau choisir avec opportunisme certains évènements qui lui conviennent, il ne peut effacer les accords qui ont été signés par la Turquie et n’ont jamais été appliqués. Ce lourd passif est d’autant plus grave qu’il comporte des crimes imprescriptibles comme le crime de guerre et le crime contre l’humanité. Même si le dogme anglais évite toute mention au génocide arménien, la reconnaissance officielle de celui-ci pour de nombreux pays dans le monde est gênante en soi. Ainsi il permet d’établir une contre-argumentation à partir de sa non reconnaissance par la Turquie , comme le fait admirablement le Parti Populaire Européen à Bruxelles. L’autre point qui concerne la reconnaissance de la Démocratie Chypriote , est lui aussi négatif pour le dogme anglais car il importe du passé de nombreux problèmes dont stratégiques, dans des négociations qui se veulent conventionnelles. La Turquie est enlisée dans des problèmes d’ordre historique et la décontextualisation française ne lui permet pas de s’expliquer. Aussi elle doit subir les éléments diachroniques sans pouvoir les exploiter à son compte. C’est entre autre pour ces raisons que le dogme anglais s’effondre sur lui-même comme cela a été le cas avec le plan Anan qui s’est avéré être une immense deus ex machina pour effacer l’histoire et tenter de minimiser voire de justifier l’invasion et l’occupation de Chypre par les troupes turques. Le peuple chypriote n’a pas été dupe comme les peuples européens ne sont pas dupes quant aux manœuvres de la part de la Turquie de réécrire l’histoire à sa manière i.e. l’effacer.