1409 - Du labyrinthe à la complexité.

N. Lygeros

L’étude d’un site comme celui de Cnossos permet de se rendre compte de l’adéquation du processus de Brooks pour décrire l’accroissement rationnel mais non raisonné de la complexité. L’ensemble architectural fait inévitablement penser à un labyrinthe ou du moins à l’idée abstraite que nous nous en faisons. Cependant l’étude minutieuse met en évidence que l’ensemble n’est pas organisé a priori mais a posteriori. L’ensemble est l’aboutissement d’une conception et non le schéma mental de celle-ci. Les pièces mises bout-à-bout dans les trois directions de l’espace emplissent celui-ci en s’organisant au fur et à mesure. Il s’agit d’un processus cumulatif, et non d’une hiérarchie imposée de manière axiomatique. Les libertés des maîtres d’oeuvre sont évidentes. Ils agissent à la manière des insectes capables de gérer des architectures qui les dépassent en taille. Tout se fait au niveau local, jamais au niveau global. Le local est toujours simple à l’instar d’un labyrinthe. Cependant en l’absence d’organisation globale tout cet assemblage de simple devient amplement complexe. La notion de labyrinthe en tant qu’intermédiaire à la complexité peut le mieux appréhender cette dernière. Elle n’est pas considérée comme complexe et ce, d’un seul tenant. Elle est véritablement l’assemblage cumulé d’une série de transformations élémentaires. Il n’est pas nécessaire de l’analyser de manière holistique, ni même de manière raisonnée, car ses éléments constitutifs n’ont pas nécessairement conscience de l’ensemble de la structure. De nombreux sites archéologiques comme celui de Cnossos permettent de le constater. Aussi nous ne pouvons pas considérer que l’approche de Brooks en robotique soit le résultat d’une abduction, et encore moins d’une abduction créative. Il s’agit plutôt d’un transport de structure au sens mathématique du terme ou d’un transfert de connaissances en termes d’interdisciplinarité. Il n’est donc pas étonnant de voir des généralisations de ces idées par Bak ou encore Wolfram. Car nous avons déjà des éléments de ce type dans la théorie de Thom. De même, les changements de phase qui correspondent à des masses critiques n’ont de sens que via le local car au niveau global le phénomène de changement demeure pour ainsi dire aléatoire. La complexité en tant que notion formelle n’a pas besoin de complexe pour être définie. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne peut par la suite absorber du complexe. Mais nous insistons sur le fait que le modèle labyrinthique de la complexité montre que celle-ci n’a pas besoin d’être définie a priori. Elle peut être considérée comme le résultat d’une accumulation, comme dans la théorie des avalanches. Elle apparaît donc via la criticité du local qui exploite de manière indirecte les effets de bord. Car les changements de phase s’effectuent sur des frontières temporelles qui gèrent les évolutions structurelles spatiales. Et à nouveau, ceci est visible, sur les sites archéologiques aussi nous considérons qu’il est nécessaire qu’ils soient étudiés, car en tant que marqueurs du passé, ils peuvent être exploités comme éléments structurels pour les sciences du futur qui doivent gérer la notion de complexité non pas comme un phénomène extrême ou marginal, mais intrinsèque et fondamental.