13387 - Commentaires sur la notion de porte-avions de Coutau-Bégarie. (avec P. Gazzano)

P. Gazzano, N. Lygeros

La stratégie maritime est organisée depuis la fin de la seconde guerre mondiale autour de deux instruments majeurs que sont le sous-marin nucléaire et le porte-avions.

Deux éléments dotés d’une force de frappe importante qui domine dans le domaine stratégique et qui permettent de mettre en exergue des schémas mentaux de topostratégie puisqu’ils jouent plus sur de la topologie que de la géométrie.

Le sous-marin est à la fois la pointe de diamant de la dissuasion et un instrument privilégié de la stratégie d’action. Le porte-avions quant à lui reste le roi de la surface, à la fois symbole et instrument de puissance.

Cette différence fait la différence dans le domaine stratégique sur le plan de la puissance de feu, car le porte-avions a un effet multiplicatif via ses avions.

Celui-ci n’avait qu’une allonge limitée, alors que le porte-avions avec son groupe aérien embarqué a une allonge de plusieurs centaines de kilomètres. Il peut frapper très loin en mer ou à l’intérieur des terres. Il constitue le moyen de projection qui occupe désormais une place centrale dans le système stratégique.

Le porte-avions en tant qu’outil projectif permet de créer une copie, non virtuelle, de la puissance d’un état. Certes, il existe nécessairement un changement d’échelle mais celle-ci est compensée par le changement sur la taille de la zone d’action.

Le porte-avions représente la combinaison de la puissance maritime et de la puissance aérienne. Il réunit toutes les qualités indispensables à la conduite d’opérations de manœuvre de crises: flexibilité, crédibilité, réversibilité, endurance.

Cette combinaison lui permet d’agir dans l’espace à trois dimensions en évitant un problème d’horizon court. Il peut donc voir plus loin, et évidemment, frapper plus loin tout en gardant une relative indépendance de manœuvre vis-à-vis du grand quartier général car il dispose d’une panoplie de moyens qui le lui permettent.

Il n’est donc pas étonnant qu’il soit constamment employé dans les crises régionales ou locales, de manière préventive ou réactive, pour soutenir un allié ou intimider ou contraindre un adversaire potentiel ou déclaré. Son registre est étendu, de la simple croisière de démonstration aux frappes aériennes massives, en passant par tous les degrés de l’intimidation de la coercition et de l’action.

Ce large spectre d’intervention permet au porte-avions d’avoir une plasticité dans l’action et de cette manière, d’être polyvalent dans un cadre qui le nécessite puisqu’il dispose bien souvent de paramètres inconnus.

L’envoi d’un porte-avions lourd est un signal qu’il n’est pas possible d’ignorer même s’il n’entraîne pas automatiquement le repli ou la soumission du pays visé.

La présence d’un porte-avions lourd n’est pas une menace de guerre mais une épée de Damoclès dont il faut tenir compte nécessaire tant sa puissance est imposante en termes de dissuasion effective.