1280 - Le serment de l’Humanité.

N. Lygeros

Dès le début de 1789, Maximilien s’était assigné une mission, celle de défendre au péril de sa vie les droits sacrés du peuple. Rien d’autre ne devait compter pour lui.

« L’amour de la justice, de l’humanité, de la liberté est une passion comme une autre, quand elle est dominante, on lui sacrifie tout. »

Il avait désormais une stratégie dominante dans ses sentiments. Il ne serait plus jamais le même. Totalement dévoué à la cause, il sacrifierait tout pour qu’elle ne soit pas perdue. Il avait une grande conscience de l’histoire et il savait que c’était à lui qu’il revenait de l’écrire. L’encre ne suffirait pas. La révolution le lui avait appris. Il utiliserait donc tout ce dont il disposait et même son propre sang.

Aux Etat Généraux et à la Constituante, il était isolé. Il cherchait des relations sans pouvoir néanmoins se contenter de tout. Sa rencontre avec Madame de Staël, lui fera perdre ses illusions.

« La noblesse renferme peu de talents. »

Il se rapprocha des députés bretons puis de Mirabeau mais sans confiance. Il avait décidé d’écouter et de s’instruire. Il étudiait avec précision les rouages de cette structure qui devait devenir sienne avec le temps. Il n’était pas pressé, il se préparait avec minutie. Car une fois la bataille commencée plus rien ne pourrait l’arrêter. Il se concentrait sur les effets de manche de chacun mais nul ne l’impressionnait. Le temps n’était pas encore devenu républicain mais il lui appartenait déjà. Il s’empara de la tribune un jour de floréal comme il l’avait fait pour sa vie. Ses gestes lents et assurés contrastèrent avec les précédents orateurs. Il demanda un silence profond car il avait des choses neuves à dire. Il n’était pas là pour suivre l’histoire mais pour l’écrire. Tel était son destin. Non parce qu’il le savait mais parce qu’il l’écrivait. Devant une assemblée tumultueuse et inorganisée il avait su imposer sa manière d’être. Sa harangue dura une demi-heure et elle fut considérée comme une réussite. Il fut remarqué de tous et même des « gens sages » qui se regroupèrent pour empêcher « tout le mal » que se proposaient de faire « ces têtes exaltées » et au mois de prairial « un murmure général » étouffa la voix de Maximilien.

Seulement le combat était engagé. Il ne souffrirait d’aucune faiblesse. Il se jetterait corps et âme dans cette bataille en sachant qu’il s’agissait aussi de son propre sort. Il ne siègerait plus. Il lutterait contre vents et marées. Ses discours devinrent ses coups de sabre. Et il n’eut de cesse d’écrire des articles et d’augmenter le nombre de ses interventions. Certains le qualifièrent par la suite de bouffon et de plastron de l’assemblée mais cette calomnie ne pouvait le toucher ni l’affecter. Sa mission était désormais tracée. Ces obstacles ne pouvaient que le grandir. Et il en serait de même pour son autorité. Il avait une excellente mémoire car la société lui avait appris à souffrir et il se nourrissait de l’Ami du peuple pour étayer ses implacables raisonnements. Il avait ainsi fait le serment de l’Humanité et il s’y tiendrait jusqu’à la fin de sa vie.