1190 - Sur le mode de pensée de Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Plus nous étudions les carnets du maître, plus nous comprenons que pour lui tout objet est objet de réflexion. Son esprit ne semble pas capable de se reposer. Il est toujours à la recherche d’une explication d’un phénomène ou d’une réalisation expérimentale. Tout est testé ! Aussi bien, les pensées des anciens que leurs erreurs. Leonardo da Vinci ne devient adepte de quiconque sans comprendre. Toute sa vie est organisée de manière à comprendre le monde dans son ensemble aussi bien de façon globale que locale. Même ce qui pourrait sembler être un détail pour un individu normal, représente en réalité un indice nécessaire à la compréhension d’un phénomène qui recouvre de nombreux détails. De plus tout semble lié. Même un détail de nature physique peut l’amener à un doute métaphysique. Comme pour le déluge. L’utilisation du miroir est efficace au point de devenir un moyen pour différencier les actions physiques des actions biologiques comme dans l’étude de l’arc-en-ciel. Les observations anatomiques sont extrêmement précises et ne se contentent pas de connaissances antérieures au contraire, elles représentent un instrument pour les tester. Le monde intérieur de Leonardo da Vinci ne déborde pas seulement sur le monde extérieur. En réalité, il le crée aussi. Il n’est pas moins capable d’effectuer une déduction qu’une abduction. Dans cet univers mental, il n’existe pas de frontières. Tout est pensable et donc tout est vérifiable. La noétique comprend mais surtout conçoit la future réalité. Leonardo da Vinci n’est ancré dans son temps que l’instant d’une éternité. Il évolue hors contexte social car sa dimension est diachronique et humaine. C’est aussi pour cette raison que nous éprouvons son immense solitude face à l’univers. Il y a un aspect cérébral incontestable dans ses carnets qui l’éloigne définitivement des intellectuels de pacotille qui pensent jouer en contrepoint un rôle social. Chez Leonardo da Vinci, c’est l’univers tout entier qui est pensé. Il ne s’agit pas de briller à travers un talent insolite. Le génie universel s’attache directement à l’imagination d’un modèle cognitif de l’univers qui se trouve être simplement le monde. Il ne s’intéresse guère à prendre de la hauteur pour se montrer. A travers ses carnets, il sombre dans les abîmes de la science. Il ne s’accorde qu’un seul et unique but : comprendre le monde. Chacune de ses notes n’est qu’un seul élément d’une immense pensée en marche qui ne cesse de créer. Il n’a pas d’autre but que de produire de nouveaux résultats qui remettent en cause les données du passé pour renforcer les connaissances du futur. Ainsi tout est un point de départ pour sa pensée car son arrivée est unique : évoluer à travers les révolutions cérébrales.