1114 - Une vision orthogonale de l’économie

N. Lygeros

Le phénomène de la mondialisation a une conséquence pour le moins inattendue. En effet, l’intervention massive de l’économie, dans le sens macroéconomique du terme, à toutes les échelles de la structure sociale, même au sens le plus local du terme, écrase tout système de valeurs économiques. Car les institutions sociales et politiques ne peuvent plus contrôler même l’économie locale puisqu’elle aussi finit par dépendre de paramètres extrinsèques. Cela engendre un phénomène de séparation. Puisque l’économie est tellement partout et qu’elle demeure essentiellement incontrôlable pourquoi faudrait-il en tenir compte systématiquement comme nous le faisions dans le passé ? Aussi nous voyons apparaître comme perspective pas si éloignée, la transparence du réseau économique. Comme si la notion d’économie parallèle commençait à prendre un nouveau sens. L’omniprésence de l’économie finit par transformer celle-ci en facteur non déterminant. Il ne faut donc pas s’étonner du fait que les petites structures reviennent à des notions régionales ou nationales. De là à voir la disparition du paradigme économique via l’émergence du village global, il n’y a qu’un pas. Que ce pas soit franchi ou non dans le futur n’a pas encore vraiment d’importance. Cependant dès à présent, cette tendance permet d’envisager une vision orthogonale de l’économie.

Ainsi les valeurs morales, les religions et bien sûr les guerres pourraient à nouveau constituer l’axiologie mondiale mais de manière multilocale. Il existe déjà des exemples frappants où ces notions ont déjà joué un rôle dominant sur des facteurs économiques pourtant objectifs. Car en fin de compte ce sont des ancrages moins abstraits et par conséquent plus accessibles à des visions pragmatiques. Il en est de même pour la culture qui grâce à sa valeur diachronique redevient un point de référence au niveau social. Car dans un univers dominé par une économie incontrôlable, les hommes doivent bien s’ancrer quelque part. Aussi la culture qui a fait ses preuves durant des siècles et qui a su résister aux écrasements idéologiques ne peut manquer d’être attrayante pour des hommes en quête de racines communes. Et ce sentiment est en pleine expansion dans le domaine européen qui a toujours été sensible à cette notion de manière traditionnelle. Ceci demeure malgré tout surprenant dans l’Union Européenne qui revendique une première place économique à l’échelle mondiale. Mais il est vrai qu’au sein de cette masse économique anonyme, il faut bien se différencier pour s’identifier. Il est donc naturel de voir réémerger des notions fédératrices qui permettent une vision commune des choses même si celle-ci doit être orthogonale à l’économie mondiale. Ainsi l’élément identitaire qui ne peut s’appuyer sur une notion économique, par nature indépendante, d’où la nécessité d’une référence à la nature sociale, culturelle et humaine de la part des superstructures qui n’auraient de sens sans elle.