1018 - De la nécessité de croire à la croyance en la nécessité

N. Lygeros

L’évolution de l’Humanité montre de manière historique que la nécessité de croire est apparue dans toutes les civilisations. Et en ce sens, il est naturel de considérer cette nécessité de croire comme un universel humain plus profond que celui de la nécessité de croire en un créateur car celle-ci n’est pas avérée dans toutes les religions. Ainsi avant même la notion de religion, nous trouvons celle de croyance. De plus, comme nous ne voyons que ce que nous comprenons, les humains ont très tôt éprouvé le besoin de saisir l’invisible ou plutôt de compléter via ce dernier leur ignorance de la réalité du monde. Ce processus a eu deux rôles, d’une part de donner une explication à l’incompréhensible et d’autre part de sacraliser cette explication. En nommant une abstraction abstraite et en la rendant concrète nous engendrons l’épiphénomène de l’idéalisation du procédé. De la même manière, si ce procédé est instrumentalisé, alors c’est l’instrument qui devient sacré puisqu’il représente l’opérateur médiologique qui accède à l’inaccessible. Il est donc naturel que de l’universel humain de la nécessité de croire ait germé le schéma mental de la sacralisation qui s’est par la suite instrumentalisé à travers l’entité divine qui possède la faculté intrinsèque de comprendre le monde qui demeure incompréhensible à l’homme. Ensuite l’omniscience et l’omnipotence étant nommées, il est nécessaire d’avoir une projection historique qui serve de base à ce fondement théorique. Cette interface a été traitée de différentes manières par les religions puisque c’était justement celle-ci qui représentait le premier contact avec la réalité accessible. Cette réalisation a permis l’émergence de l’appareil ecclésiastique dans le sens général du terme afin de faciliter le contact des hommes avec la réalité spirituelle. Et ainsi nous observons un glissement sémantique puisque la réalité initialement noétique devient spirituelle. De plus, l’aspect fonctionnel de la religion, surtout si celle-ci constitue une religion de masse, a fini par prendre une telle envergure qu’il a pour ainsi dire déshumanisé le schéma mental de l’universel humain. Car l’introduction d’une étape intermédiaire sélective qui s’est historiquement associée avec la notion de pouvoir social a mis en avant cette caractéristique et non l’aspect humain initial, même si celui-ci demeure le substrat initial. Car son exploitation est avant tout un solide prétexte pour justifier l’injustifiable qui a été commis à travers les siècles au nom d’une sacralisation représentée par le pouvoir en place. Ici bien évidemment il ne s’agit pas simplement de stigmatiser ce processus mais de tenter de mettre en évidence son fonctionnement et son caractère générique. Ce détournement intellectuel n’est que l’application d’un raisonnement uniforme qui s’appuie sur l’impact que provoque son efficacité sur la masse. Pourtant malgré cela, malgré cette systématisation du processus, la nécessité de croire demeure, au point qu’il nous semble opportun d’affirmer la croyance en la nécessité, non pas seulement du processus mais de son humanisation.