4159 - Quand la Pravda était la vérité

N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras

– Pourquoi donnes-tu tant d’importance à ce que tu manges ?

– Parce que je ne peux oublier ces hommes qui ne mangeaient pas.

– Qui ne mangeaient pas ?

– Les Ukrainiens !

– Ne dis pas de mensonges ! Le génocide n’existe pas !

– Mais je n’ai pas parlé de génocide.

– Cela aurait été tes prochaines paroles !

– Et toi, comment le sais-tu ?

– Le parti nous l’a dit…

– Quel parti ? Que vous a-t-il dit ?

– Tu deviens grossier ! Le parti ne nous dit que la vérité.

– Depuis quand ?

– Depuis que l’histoire est morte !

– Et en 1933 que s’est-il passé ?

– Il ne s’est rien passé. La récolte était parmi les meilleures.

– Ils ont fauché les hommes et pas les épis.

– Tu t’occupes de détails.

– Des millions de détails.

– Cela n’a pas d’importance.

– Qu’est-ce qui en a ?

– L’immortalité du système.

– La vérité n’est pas un journal.

– Fais attention !

– Tu vas me dénoncer ?

– Ne soulève pas une croix si tu ne veux pas qu’on te dénonce.

– L’histoire est une.

– Et les péchés nombreux.

– Le châtiment unique. Mais les crimes nombreux.

– Tu es devenu un ennemi du système.

– Je n’avais pas le choix.

– Tais-toi ! Les choses ne sont pas des plaisanteries.

– Pourquoi ?

– Tu es accusé de haute trahison.

– Parce que j’ai parlé de l’Holodomor ?

– Parce que tu crois en ce qui n’existe pas.

– Vous, vous avez créé l’humanisme inexistant.

– Mensonge !

– Personne ne pouvait résister à vos orgies.

– La ferme ! Exécutez-le !

– Voilà les frontières du matérialisme dialectique !

– Feu !

Taras s’écroule mort.